Les temps deviennent difficiles pour la poupée esseulée. Voilà déjà plusieurs semaines voire plusieurs mois qu'elle s'est exilée du quartier général eshu. Certaines armes sont bricolées quand ses vêtements patinés sont déchirés. Les joues creuses et les ongles sales, Mercuriale ne s'était jamais connue ainsi, à mi chemin entre le zombi et le cadavre. Même dans la dimension première, l'enfant des bas quartiers n'avait connu de tels dommages. Son corps a quelque peu changé, notamment ses jambes. Mercuriale est une marathonienne. Run fast and you'll die the last. C'est plus qu'une habitude, c'est un besoin de vivre et une nécessité de survie. Courir, Mercuriale en avait fait sa religion, son premier moyen de survie. Maintenant, c'est devenu son issu de secours le plus certain. La cartographie aussi, elle la connait sur le bout des doigts. Alors c'est devenu un atout de taille.  

Affamée et dans les environs, la voilà sur les lieux d'anciens souvenirs douloureux. Elle avait participé à ce massacre pour honorer Snake et son décès injuste. Elle était tellement prise de pulsions meurtrières qu'elle aurait pu saccager l'usine et la forêt toute seule. Malheureusement, elle s'était frottée à une créature immensément plus forte qu'elle. Elle, le bout de femme qui tient à peine debout au gré du vent. Sa force est intérieure et les différentes épreuves l'ont prouvée.  Même si  Mercuriale est considérée comme une faible, elle peut se féliciter d'avoir survécu  seule. Néanmoins la gamine s'est retrouvée désemparée face à une Nightingale monstrueuse. La curiosité l'avait illuminée. En quête de nourriture et même d'objets, elle a fini dans les ruines de cette usine dépeuplée. Les bouts de murs on-ne-peut-plus effrités jonchent et le nuage de poussière est encore élevé. Les poumons de Mercuriale s'enflamment alors elle glisse son foulard sur le nez. Avec le pied, elle balaie le sol pour chasser les cendres. Qu'est ce qu'elle espère trouver? L'eshu n'en sait rien. Pas de la nourriture. Peut-être des graines survivantes ou bien des armes. Des choses qu'elle pourrait troquer sans doute.La blonde passe aisément sa journée à vérifier le sol au peigne fin et à écumer les alentours. Elle trouve quelques écus enfouies dans la terre ou bien quelques balles de la guerre passée jusqu'à ce que  la chance lui sourit. Elle se penche pour ramasser un objet brillant. Une espèce de relique en argent.

La poupée se braque subitement. Cette fouille devient futile et ses sens finissent aux aguets. Telle une brebis effrayée, Mercur tend l'oreille et guette l'horizon. Paranoïaque ou méfiante,  la gamine sent une présence. Elle ne perd pas la tête, une ombre se cache derrière un fragment de mur. Une femme aux cheveux longs. L'Eshu la fixe sans bouger. Elle reconnaît une gaia. Sa cage thoracique se sert. Elle hésite un instant  à lâcher sa trouvaille ou à la balancer à l'étrangère.  Finalement elle se met à courir tout en serrant cet étrange objet.  

Les poumons de Mercuriale s'emplissent de poussière dans la carcasse de ces lieux. Au bout de nombreuses heures à fouiller, elle trouve enfin un objet digne de ses souhaits. Mais voilà, à peine envisage-t-elle de comprendre  l'incarnation de cette relique qu'une ombre curieuse jaillit de ces fragments émiettés. A cet instant, la poupée comprend l'importance qu'elle serre entre les doigts et elle comprend également que cette femme l'obtiendra. A+ B dans sa cervelle de blonde et elle fait la déduction que c'est une GAIA. C'est forcément une GAIA. Mercuriale, elle est livrée à elle -même depuis février évitant de revenir au Q.G. Elle n'avait nullement conscience du contexte politico-géographique du jeu. Ca ne l'intéressait pas non plus. Pourtant la gamine regrette un peu de ne pas savoir comment ces choses là fonctionne. Elle avait exécuté sans l'ombre d'une décision collective leur cheffe eshu dans leur quartier... mais ça voulait dire quoi? Par moment elle se demandait si ses autres camarades l'accueilleraient à bras ouverts ou bien lui donneront une violente correction afin de faire montrer l'exemple. Mercuriale tout comme Hazel se méfie des âmes obscurcies par les vices. Notamment ceux du pouvoir...

Mercuriale, elle n'avait que la tête pour penser aux hypothèses et surtout: ses jambes pour courir. Ce qu'elle fait sans songer  à  la possibilité qu'elle puisse sur place. On ne fait pas violence aux vieilles habitudes. C'est son réflexe et ce, avant le jeu. Une flèche vibre dans les airs et sa joue frissonne. Mercuriale détale comme un lapin apeuré.  Cela fait près de quatre mois - ou plus, elle ne sait pas- qu'elle erre dans le jeu comme un esprit esseulé. Des fantômes, des monstres et des joueurs, elle en avait croisé un tas. Son corps est victime de ces rencontres et de cette lutte surhumaine. Cadavérique à souhait et pâle comme la craie, la blonde incarnait presque la mort elle-même. Elle a beau faire attention au sol piteux sur lequel dansent ses pieds, Mercuriale loupe quelques racines étriquées. Elles lui ressemblent : ternes et sans vie mais toujours présentes. L'eshu ne pensait pas qu'un tel élément futile la freinerait en ce début de course. Elle s'est justement orienté vers le reste de forêt sachant ,d'expérience, que la visibilité est grande et que les dangers étaient devenus minimes en cette zone là. La blonde finit à terre, un peu sonnée, frôlant alors l'évanouissement. Elle reste dans cette posture quelques instants dans une songe vagale. C'est la fatigue du deuil et de la solitude qui l'handicape. Les secondes deviennent meurtrières. Mercuriale a eu une grande avance sur cette Gaia. Mais à présent, elle est revenue au point de départ. Elle n'avait jamais été aussi en colère envers elle-même.  

29/30 

Trop dévastée par les nombreuses expéditions de ces derniers moi,s il a suffi à Mercuriale de quelques racines pour trébucher sans se relever. Prise d'un malaise, elle est restée à terre avec la vue trouble. L'ombre adversaire a eu le temps de la rejoindre et la blonde n'a même pas eu le temps d'intellectualiser également sa chute. Elle tente de se redresser en crachant quelques cendres. Ses paumes de main s'enfoncent dans les débris et il y a certainement du verre ou du métal car le sang ruisselle délicatement entre ses phalanges. Toujours sonnée, la poupée ne sent son mal. Elle écoute, dans son dos, cette ennemie ruminer sa colère. Elle a tourné sa tête lentement en sa direction tandis que ses yeux clignent lourdement. Quel objet ? Elle voit la flèche pointée entre ses deux yeux mais elle ne réagit guère. Elle s'extirpe de cet abasourdissement petit à petit. En penchant la tête vers son torse, elle voit l'objet dont parle cette femme. Tout brillant, cette relique a tout d'un trophée. Et si elle revenait avec ça chez les Eshus, peut-être que ça achètera sa faute.
La douleur se propage enfin dans ses doigts et Mercuriale grimace. Le sommeil était mieux, on ne sentait rien à part les songes. Elle pose un genou, puis le second. Ses gestes sont d'une lenteur surhumaine. Elle fait des efforts car elle ne veut pas que la prétendue GAIA décoche sa flèche dans sa nuque. Ses doigts meurtris se saisissent de l'objet trouvé avec grâce. D'un coup rapide et furieux, elle le lance dans une direction afin de faire diversion. Elle se redresse alors, priant pour que cette femme favorise l'objet plutôt que sa mort.

Elle a pris la fuite quand elle a compris que cette femme cherchait à obtenir l'objet. Du moins c'est ce qu'elle pensait. Elle a balancé la trouvaille loin devant elle et sous l'adrénaline, Mercuriale s'est orientée d'un pas accéléré vers le bout de forêt non calciné. L'eshu ne prend pas la peine de regarder derrière son épaule. Elle ne prend pas le temps non plus d'écouter le galop d'un étranger. Elle fonce tête baissée et c'est ce qu'elle a toujours fait. Une flèche siffle et la douleur la comble de nouveau. Pas besoin de se retourner pour savoir qu'elle avait fait le choix de la poursuivre. La pointe a traversé sa chair et lui a arraché un cri effroyable. Celui qui signe bientôt la fin. Mercuriale est fatiguée. Fatiguée de lutter mais aussi de fuir. Elle finit par clopiner malgré elle, traînant sa jambe quelques mètres. Sa santé en a pris un coup, son mental aussi. Une flèche et voilà les dégâts. Essoufflée, l'air siffle entre ses lèvres et la sueur dégouline. Elle se mêle à la terre, elle se mêle à la cendre. Le temps amplifie sa souffrance, Mercuriale s'arrête et fait face à cette femme. Elle fonce vers elle en furie.
Elle aimerait bien lui dire qu'un compromis est possible, qu'elle la laisserait tranquille. Mais c'est trop tard. Elle aimerait la supplier de l'achever . Elle aimerait alors que ses sanglotes se bloquent à la vue de sa cheville. Mercuriale baisse les yeux, la flèche est restée coincée. Elle se penche pour la retirer. Elle se courbe difficilement et offre un spectacle de grimaces. A peine a-t-elle posé ses mains sur la tige, qu'elle voit les pieds de son adversaire. Elle lève les yeux et enfin elle la voit, dans un pire état qu'elle.