Une grande inspiration.

L’exercice est périlleux, c’est son objectif de la journée. Y arriver, sans glisser, sans bouger, avec le sang qui lui monte à la tête, les forces qui lui manquent.

Un souffle, lent, presque un soupir, sort d’entre ses lèvres.

La concentration est à son point culminant, la blonde bande l’arc, ferme un œil et tire. La flèche file et vient se planter dans le sol à côté d’une forme faite avec quelques brindilles. Elle observe, un instant son échec, puis fait balancer son corps pour s’asseoir sur cette branche à laquelle elle était jusque-là accrochée, tête en bas. Elle rangea son arc dans son dos et entreprit de descendre de l’arbre. En quelques gestes et ses pieds touchèrent la terre, son agilité et sa discrétion étaient ses seules forces.

Le tir à l’arc ne donnait rien, l’arme l’amusait, elle trouvait le geste beau, mais elle n’arrivait pas à être précise. Létale. C’était ce qu’elle voulait devenir. Pourtant elle était faible. Il fallait qu’elle devienne plus forte, et il n’y avait que l’entrainement qui pouvait l’aider. Elle voulait y arriver seule. La blonde n’aimait pas la solitude, mais elle voulait changer ses habitudes, devenir quelqu’un d’autre ?

Il n’y avait que très peu de flèches à proximité des quelques brindilles dont elle se servait comme cible, pourtant, il y avait du progrès. Elle les ramassa une à une avec lassitude. Son corps était épuisé et douloureux. Peut-être une dernière session d’entrainement ? Elle ne savait pas si c’était raisonnable. Son hésitation fut de courte durée lorsqu’elle entendit dans les alentours. Elle laissa une flèche derrière elle et disparu dans les hauteurs.

Attentive, elle observait. Le fait qu’elle fasse son entrainement dans une zone neutre avait ses désavantages, comme risquer d’être dérangée à tout moment. Elle ne voulait pas devoir affronter quelqu’un, ça aurait été inutile et futile. Une silhouette se dégagea des feuillages et s’arrêta devant les brindilles et la flèche. Alexis fronça le nez. Quelque chose la dérangeait. Elle reconnaissait cette allure. Elle doutait, ça faisait longtemps.


« Alika ? »


Prononcer ce nom ôta tous les doutes qu’elle avait pu avoir. Dans un saut elle descendit de sa cachette perchée. Lorsqu’elle vit ce visage en face d’elle, elle resituait parfaitement la jeune femme. Elle avait fait partit de sa famille pendant trois années. Leur relation n’avait pas été des plus amicales, mais de l’eau avait coulés sous les ponts.

« Tu me remets ? Ta demi-sœur le temps de trois années ! Alexis. »

Elle s’était sentie obligée de se présenter alors qu’elle la détaillait. Elle avait bien changé. C’était une adolescente quand elle l’avait rencontré. Maintenant, elle avait l'air plus menaçante ? Ou était-ce le jeu qui rendait tout menaçant ? Elle tenta de rester impassible alors qu’elle espérait que ça ne tourne pas à l’affrontement.

Perchée sur son arbre, elle juge, elle observe, elle analyse. Il y a cette silhouette qui lui semble familière, mais pas vraiment non plus. Elle sait plus. Elle cherche. Elle cherche dans ses souvenirs qui pouvaient avoir ces traits, cette allure, cette assurance. Soudain, de vieux souvenirs resurgissent. Elle ne fait pas tout de suite le lien et puis elle comprend. Elle resitue. Elle se souvient. Elle se souvient de cette grande sœur qui n'avait pas l'air de l'aimer plus que ça. Une grande sœur qui n'avait pas été là longtemps. Une grande sœur à qui elle avait voulu prouver des choses. Une grande sœur dont elle n'a jamais rien pu obtenir.

Elle descend de son arbre pour lui faire face, à cette sœur qui a disparu pendant longtemps. Une sœur qu'elle n'a pas non plus cherché à retrouver. Jamais. Elle n'a jamais cherché à reprendre contact. Pourtant il n'y avait pas eu de mésentente réelle, mais que son charme n'ai pas marché sur Alika avait énervé Alexis, si bien qu'elle n'avait plus voulu en entendre parler.

Maintenant, elles étaient l'une face à l'autre, Alexis essayant de rappeler quelques souvenirs à Alika. Un nom, une identité, elle lui donne facilement, trop facilement. Elle aurait peut-être dû jouer l'étrangère et ainsi être sûre de ne pas être reconnue. Mais avec le choc de cette rencontre, elle n'avait pas trop réfléchit. Elle avait oublié l'importance de l'anonymat dans le jeu alors qu'on lui avait répété mille fois. Ça l'avait frappé seulement quand Alika avait prononcé son pseudo. Jusque-là la rencontre n'avait été que silence. Alika ne savait pas quoi dire et Alexis non plus d'ailleurs, ça faisait trop longtemps et elles n'avaient jamais été proches. Il n'y avait rien à dire, d'où l'étrangeté de ces retrouvailles.

« Oh, oui, ici c'est Little Boo. »

Alexis tenta un sourire, mais le malaise la frappait de plus en plus. Quoi dire à cette sœur qu'elle n'avait jamais vraiment connu au final ? De l'eau était passée sous les ponts et la rancœur qu'elle avait pu avoir envers Alika n'avait plus de raison d'être. Tout commençait à dater. Elle était perdue dans ses pensées si bien qu’elle ne fit pas vraiment attention aux bruits environnants. Elle entendit vaguement un bruit de branche mais ne releva pas, ce fut la voix d’Alika qui la sortit de ses pensées.

« T'es seule ? »

La question la frappe. Elle réalise alors les bruits qu’elle vient d’entendre et met la main sur son arc. La question l’avait frappé pour autre chose. Elle était seule. Elle n’avait personne sur qui s’appuyer alors qu’elle avait toujours été entourée. Elle était faible et elle était faible seule. Elle souffla tout en se consentant sur le décor à la recherche de ce qui avait pu faire ce bruit.

« Je suppose que toi aussi. »

Du bout des lèvres ces mots étaient sortis, juste de quoi n’être entendue que d’Alika. Elle n’avait pas encore discerné ce qui se cachait dans les branchages, elle jette un coup d’œil méfiant à Alika avant de voir quelque chose se détacher du fond vert. Une espèce de cerf qui file lorsqu’il les voit debout à le guetter. Le mob qui s’en sort sain et sauf a permis une chose : elles étaient toutes les deux seules et avaient révélés avec quoi elles se battaient. Alexis relâche la pression qu’elle exerçait sur son arc et laisse tomber son bras le long de son corps pour se tourner vers Alika. Elle était peut être un petit peu plus sur ses gardes qu’avant, le mob lui avait rappelé que tout était possible dans le jeu. Un soupir.

« Ça... Ça fait combien de temps que tu... hum... fait ça ? Jouer je veux dire. »

Elles étaient dans une situation très inconfortable. Des retrouvailles pas évidentes. Alexis ne savait pas quoi faire. Elle se méfiait, mais d’un autre côté elle avait l’impression d’avoir le devoir de renouer avec cette sœur oubliée. Peut-être parce qu’elle n’avait pas non plus envie d’être elle aussi une sœur oubliée. Elle voulait exister, c’était peut-être la seule chose qui la tenait éveillée.