Chaque réveil est similaire au précédent, une sorte de goût affreux en bouche, et une sensation désagréable, ceux qui fumeront de l’herbe parleront de « pâteuse » j’emploierais l’expression même si ce n’est pas mon cas, c’est avec cette atrocité buccale que je me rends alors vers la salle de bains. Les deux mains en creux afin de récupérer de l’eau pour me curer de cette immondice siégeant dans mon palais, la recrachant suite à quelques gargarismes, je découvre mon reflet dans le miroir.


Le terme découvrir n’a pourtant rien de pertinent, après tout, ne devrions-nous pas connaitre la moindre partie de notre corps mieux que quiconque ? Et pourtant, c’est depuis que j’ai commencé à jouer au Darwin game que mes yeux sont si injectés de sang le matin en me réveillant. Et c’est depuis le jour où j’ai perdu ma première vie que j’ai cette sublime cicatrice au niveau du cou, une cicatrice contre-nature, une personne avec une telle blessure ne devrait même pas pouvoir vivre. Et pourtant, j’étais la preuve par exemple. À moins qu’on se demande si je suis vivant, et là, ça devient flippant, franchement, il n’aurait pas pu faire ça proprement… ?


Et pourtant, je continuais de jouer, d’un côté, ce n’est pas comme si j’avais le choix de toute manière, mais au-delà de cette obligation, j’en avais aussi l’envie. Même si les deux sont fortement liés sur certaines choses, comme le fait d’être ignoré par la plus grande majorité, pour autant, certains exemples m’ont prouvé que je n’étais pas simplement un inconnu dont tout le monde se fout, j’étais plutôt un inconnu que l’on peut utiliser en cas de dernier recours, avec ou sans son préavis. J’admets que ça reste merdique, mais y a de l’évolution.


Avec le jeu, ça s’ajoute aussi une constante, le stress, qui devient de plus en présent, qui devient de plus en plus pressant. La cigarette devenait une option de plus en plus viable, j’y songeais en sachant pertinemment tous les problèmes que ça engendrerait, allant de la dégradation de la respiration immédiate à la dégradation de mon corps allant du bout de doigts, à ma bouche jusqu’à mes poumons. Je m’imaginais déjà une cigarette à la main, puis au bout des lèvres, respirant cette fumée toxique et bénéfique pour me soigner de ce poison qui me rongeait, lui aussi.
Et me voilà installé dans mon lit, ordinateur portable sur le ventre, non branché afin que ça s’arrête que je trouve une porte de sortie ou non, j’allais retrouver ce monde dont la réalité n’était plus à prouver. Et j’avançais dans le QG, regardant si rien n’était à l’ordre du jour outre les patrouilles quotidiennes, recevant au passage quelques bonjours, des sourires, des signes de tête, guère plus à vrai dire, mais ce n'est pas plus mal comme ça.


Je me rapprochais de mon petit coin de paradis, proche du bunker, près du lac, ou j’avais installé il y a peu un hamac, enfin, encore fallait-il lever les yeux au ciel, celui-ci était perché entre deux branches, malgré tout ce qu’on pouvait reprocher à ce hamac, outil de fainéant par excellence, il pouvait aussi faire une excellente tour de garde. Pour illustrer mon propos, voici une femme que je n’ai jamais vue qui s’approche. Si je l’ai jamais vu, ça veut sûrement dire qu’elle ne fait pas partie des Gaïa, en plus de ça, vu qu’on est assez loin de la frontière, ça veut dire qu’on ne m’en voudrait même pas si je la tuais.


La femme était mignonne, les cheveux blonds, la trentaine, elle devait faire autour des 1M60, pas d’arme dans la main, ni visible, la possibilité qu’elle en cache une est un autre problème. Un combat au corps-à-corps serait en tout cas, une victoire quoi qu’il en soit de mon côté. Je descends alors de mon perchoir, et tel un aigle, j’atterris, avec moins de souplesse et un peu plus de violence, je l’admets. Elle était à moins de 7 mètres de moi lorsque je dégainais la machette qui se situait dans mon dos.


« Il ne me semble pas que tu sois une Gaïa, il reste alors deux options, soit tu es perdue, soit tu es rentrée ici en sachant pertinemment que tu ne devais pas. Les deux suivent cependant la même conclusion, la mort. »


Le moindre geste suspect de sa part entraînerait un sprint machette en avant qui lui ferait rejoindre le doux monde des pixels. Dire que je n’aimais pas me battre serait un mensonge, dire que je n’aimais pas les victoires faciles en était une autre, mais je crois sincèrement que je commence à prendre goût au sang, c’est comme une vengeance qu’on m’accorde pour cette stupide vie. Désolée jeune femme, rien de personnel, c’est la vie qui est cruelle.