Apprendre, encore et toujours. ₪ Isaÿr

Isaÿr ₪ Nightingale

devenons plus forte ensemble.

GleekOut!

Etait-ce possible de se sentir plus vivante dans un jeu vidéo aussi proche de la réalité soit-il ? Astrid oubliait ses maux, oubliait qu’il lui manquait un bras et son corps marqué par les souffrances du passé. Parce que son quotidien ne se résumait pas au tatouage et aux desseins. Il était marqué constamment par le regret lancinant d’avoir laissé mourir ses camarades ; elle était dans un apprentissage constant : comment vivre avec un membre en moins ? Elle était droitière, pas de bol la vie lui avait arraché ce bras. Dans le jeu, cela n’était pas un problème. Le système semblait avoir pris en compte sa prothèse : si sa main n’était pas flexible comme le serait une main normale, cela lui suffisait amplement. Personne dans son équipe, à part Dante, ne savait qu’elle était mutilée. Ce n’était pas le genre d’information que l’on crie sur tous les toits. Elle ne voulait pas qu’on la pense faible, elle ne voulait pas rester en arrière : elle voulait aider son équipe à briller dans ce jeu sans pitié. C’est pour cela qu’elle apportait ses connaissances militaires aux membres de Gaïa. Aujourd’hui, Nightingale avait le privilège de former aux armes à feu le chef : Isaÿr. Un immense honneur à ses yeux. Lorsqu’on était éduquée comme un soldat, on obéissait au chef de famille, à son supérieur. Si elle-même avait été dans cette position, elle avait toujours obéi aux ordres. Mais ça, c’était avant. Avant qu’on la mette sur la touche, qu’on lui donne de l’argent pour qu’elle se taise et ne revienne pas de ci-tôt. L’armée américaine n’aimait pas réellement ces vétérans. Elle ne l’avouerait jamais, cependant, c’était un fait. Tous les matins, Astrid espère pouvoir revenir en arrière et donner sa vie pour ses coéquipiers avant de s’accrocher à cette simple idée : elle avait une nouvelle équipe à protéger. Coûte que coûte pour ne pas répéter les erreurs du passé.
En se connectant, Nightingale prit soin de bien remplir son carquois de flèches tout en vérifiant l’état de son FAMAS. Une arme polyvalente faisant le travail nécessaire. Elle avait tué deux jeunes adolescents pour avoir ce canon. Une réminiscence que dans l’arène les lois de la sélection naturelle s’appliquent. Elle équipa son gilet et coinçait les chargeurs remplis de balles dans les poches prévus à cet effet. Nightingale prit de quoi manger si la faim se faisait sentir et fourguait dans le même sac ce qu’elle avait préparé pour qu’Isaÿr apprenne correctement l’art de tirer avec une arme à feu. Elle avait donné rendez-vous à son chef à la mouche hurlante, au petit matin : là où les chances d’être dérangé étaient moindres. Ses sens étaient à l’affût. Toujours quand elle était dans le jeu. Un moment d’inattention et vous êtes morts. Prenant le chemin de cet endroit inhabité, elle arriva rapidement au lieu-dit. En voyant Isaÿr, elle posa son bras sur son cœur et s’inclina :

« Isaÿr. »

Une fois le respect présenté, elle posa au sol la besace et commençait déjà charger le FAMAS.

« FAMAS. Fusil d'Assaut de la Manufacture d'Armes de Saint-Étienne. L’arme la plus facile. Une arme à feu de base qui permet de tirer en rafale ou bien balle par balle. Je vous ai fait des cibles en bois, de différentes tailles, pour que cela soit plus facile. »

Nightingale le tendit à son chef, avant d’aller installer les cibles faites spécialement pour l’occasion et par elle un peu plus loin. Revenant vers elle :

« Vous êtes prête ? »

always learning ☆ Mera n’aimait pas beaucoup attendre, ni qu’on la fasse attendre. Pourtant, elle avait décidé de partir plus tôt que prévue pour la cabane de la Mouche Hurlante, envahie par une appréhension certaine. Cet entraînement à l’arme à feu avec Nightingale, brave soldat qu’Isaÿr respectait beaucoup, était certainement une mauvaise idée. Jamais elle n’aurait dû faire appel à qui que ce soit, risquer de se ridiculiser devant quiconque. L’idée même de tenir une arme à feu dans sa main lui donnait la nausée. Le cœur battant, la jeune femme se faufila entre les arbres, parmi les ombres de la forêt qu’elle découvrait peu à peu avec un plaisir sincère. Elle se sentait mieux ici que n’importe où dans le monde, quand bien même elle regorgeait de dangers. Parvenue à la vieille bicoque, Mera prit appui contre le mur de bois et regarda la rivière suivre son cours en silence, oubliant un peu qu’il fallait toujours rester sur ses gardes. Dans un endroit aussi paisible que celui-ci, c’était bien trop facile d’oublier que plus loin, c’était la guerre. […] Isaÿr se redressa lorsque les pas de Nightginale trahirent sa présence. Main posée sur le pommeau de son cimeterre, elle resta en alerte jusqu’au moment où elle fut certaine d’avoir bien à faire à la jeune fille. Un sourire bref mais sincère étira ses lèvres. Mera n’était pas très souriante de nature, ce qui ne l’empêchait pas de se montrer douce. Elle l’était cependant un peu moins ici qu’à Chicago, entretenant ainsi le mythe du Chef que rien n’atteint. « Nightingale. » répondit-elle, imitant le geste de respect esquissé par son jeune soldat. Son regard céruléen se posa sur l’arme qu’elle tenait entre les mains, et l’appréhension évincée par la quiétude de l’instant revint au galop. Elle serra les dents et écouta tranquillement ses explications. Elle s’empara de l’arme et grimaça ; trop lourde, trop désagréable, elle ne comprenait pas qu’on puisse avoir envie de traîner ça sur soi. Pourtant, ses effets étaient redoutables, et savoir se servir d’une arme à feu pourrait lui être d’une grande aide à l’avenir. « Je crois. » répondit-elle simplement en se plaçant face aux cibles de bois installées soigneusement plus loin. « Merci pour ton aide. » souffla-t-elle également, dans une dernière tentative de gagner du temps, avant de se placer un peu aléatoirement, véritablement mal à l’aise. Elle appuya sur la détente et ferma les yeux lorsqu’elle fut repoussée en arrière par le choc. La balle ricocha sur un arbre plus loin, duquel s’envolèrent une nuée d’oiseau. Puis le silence revint, et Isaÿr fronça les sourcils. « Bon. Y a-t-il … Une position à adopter ? Où dois-je regarder ? Faut-il tenir compte de la vitesse du vent ? » demanda-t-elle, posant bien trop de questions à la fois, embarrassée de paraître si faible devant quelqu’un d’autre. C’était bien là tout ce qu’elle voulait éviter, et ça commençait très mal. L’espace d’un instant, Mera avait espéré parvenir à toucher une cible dès la première fois, se découvrant une virtuosité évidente dans le maniement des armes à feu. Bien sûr, cela resterait du domaine du fantasme. « Montre-moi. Juste une fois. » demanda-t-elle encore en lui tendant l’arme.

Isaÿr ₪ Nightingale

devenons plus forte ensemble.

GleekOut!

L’espion ne cherchait pas à être discret en approchant d’Isaÿr. Si elle était sur ses gardes, elle connaissait les alentours et la forêt. Le moindre changement l’informerait de la présence d’un possible ennemi. Jusqu’au dernier moment, le soldat ne savait pas si son chef allait la rejoindre. Il faut une grande sagesse, selon elle, pour vouloir apprendre d’une personne qui n’a pas de grade. Elle n’avait pas besoin de savoir manier les armes à feu même si avec les temps qui arrivaient : il allait falloir faire preuve d’autonomie, de ressource et être capable de se débrouiller avec tout et n’importe quoi. À peine arrivé, elle ne prit même pas le temps de demander comment se portait son chef. Nightingale avait compris que le jeu capricieux rappelait toujours à l’ordre les moments de « détentes ». Leur temps était compté. De plus, une fois les premiers coups tirés, il ne serait pas étonnant d’avoir de la compagnie. Un risque que les deux jeunes femmes étaient prêtes à prendre. On n’avait pas d’omelettes sans casser d’œufs !

« Je serais toujours là vous aidez et aider les membres de notre équipe. »

Se contenta-t-elle de répondre. On ne peut pas dire que la demoiselle n’avait pas dans son cœur le sens du devoir. Gaïa était sa nouvelle famille, son nouvel escadron qu’elle protégerait contre vent et marées. Même si cela veut dire montrer une froideur qu’on peut lui reprocher. Patiente, oui, elle l’était, mais oublier la pédagogie avec elle. Nightingale n’avait pas été tendre avec son chef. Après lui avoir donné l’arme, avoir installé les cibles, elle l’avait laissé tirer. Sans un conseil, sans une parole. C’était son tempérament. Avec les armes à feu, il fallait sentir l’objet qui devait être une extension du corps. Comme le serait un arc, une arbalète ou bien les armes blanches. Si elles faisaient plus de bruits, que leur odeur singulière ne pouvait pas conquérir tous les cœurs : elles s’imposaient dans ce jeu. Notamment chez les ennemis des Gaïas. Alors oui, elle pouvait paraître rude, mais elle ne voulait que le bien-être d’Isaÿr et sa survie. Nightingale avait toujours été brute de pommes. Malheureusement. Ce n’était pas un manque de respect qu’elle avait envers son leader. Une maladresse plus qu’autre chose. Elle reproduisait les enseignements de ses pères. La première fois qu’on lui avait donné une arme, on l’avait laissé tirer. Comme ça. Sans enseignement. Le recul de l’arme n’avait pas manqué de lui causer un hématome qui la fait souffrir pendant des semaines.
Souriant face aux questions d’Isaÿrs, elle attrapa l’arme et expliquait ses moindres faits et gestes.

« La crosse de l’arme doit se loger dans le creux de votre aisselle. Avant de tirer, assurez-vous d’être confortable. Même si le temps est contre-vous ne pas se sentir à l’aise et vous perdrez encore plus ce dernier parce que vous manquerez votre cible. »

Mettant en application ces mots, elle coinçait l’arme en la tenant fermement. Fallait-il avouer à son chef qu’elle n’avait pas touché une arme depuis son retour aux Etats-Unis ? Ce n’était pas pour rien qu’elle avait choisi l’arc. Ses tremblements reprenaient doucement. Serrant l’arme, elle les calmait comme elle le pouvait. Qui apprenait à qui, Nightingale se le demandait. Aider Israÿs la forçait à s’aider elle-même.

« Une fois en position, votre regard doit se concentrer dans la lunette. Vous devez viser toujours un peu plus haut, un peu comme lorsque vous devez tirer à l’arc ou bien à l’arbalète. Votre doigt doit toujours être hors de la détente tant que votre cible n’est pas trouvée. Seul votre pouce peut se mouvoir bougeant ainsi la sécurité qui se trouve au milieu, si vous la tourner à droite, vous tirez balle par balle ou bien à gauche pour les rafales. Je vous déconseille cette option. L’arme devient incontrôlable. Enfin, le dernier conseil que je peux vous donner est de calmer votre respiration et si vous le pouvez la bloquer. »

Prenant une grande inspiration, elle ferma son œil gauche pour mettre toute son énergie dans le droit. Nightingale toucha la cible, mais pas en son centre. La balle vient toucher le coin. Retentant sur la cible voisine, cette fois-ci, la balle se logea un peu plus près du milieu. Ce n’était pas cependant un tir qu’on pouvait attendre d’un lieutenant. Elle se redressa et soupira. Son regard migra vers sa main qui n’était plus là dans la vraie vie. Cette dernière tremblait comme une feuille. L’odeur familière de la poudre atteignait maintenant ses narines, lui rappelant son passé glorieux en tant que soldat, mais également sa déchéance :

« Je dois vous avouer que je n’ai pas touché une arme depuis des mois. »

Redonnant l’arme à son chef, elle allait remettre en place les cales de bois. De nouveau au côté d’Israÿs, elle tentait de la rassurer :

« Rome ne s’est pas construit en un jour. Vous y arriverez. »

always learning ☆ Isaÿr écouta avec une attention toute particulière les recommandations de Nightingale. Elle observa la façon dont la jeune femme touchait l'arme, la tenait, l'effleurait, la regardait, et se dit qu'il y avait une part de beauté dans la laideur de ces armes à feu. Elle resta savamment en retrait et fronça les sourcils quand la balle partit, sincèrement gênée par le désagréable son que cela provoquait. Pouvait-on réellement apprécier une telle chose ? Son regard azur se posa sur le visage déçu de sa soldate, et Mera sourit brièvement avant de poser sa main sur son épaule. « Ne t'en fais pas. Tu n'étais pas loin. » Elle-même rembrunie par les encouragements de Nightingale, Isaÿr empoigna de nouveau l'arme et se plaça face aux cibles. Lentement, elle cala la crosse sous son bras, releva un peu la pointe de l'arme au dessus du centre de la cible et se concentra. Elle ferma un œil, appuya sur la détente, et fut encore bousculée par la puissance de la déflagration. La balle écorcha le bord de la cible, se réfugia dans l'arbre derrière. Profondément mécontente, Mera tapa du pied par terre et jura. D'ordinaire patiente, elle n'aimait cependant pas échouer. Surtout pas devant quelqu'un d'autre. Elle ne perdit guère de temps avant de tirer à nouveau, et ce fut encore loin de toucher le centre. Isaÿr se mordit la lèvre et ferma les yeux. […] Aria était en danger. Prise au piège des CAHO qui s'apprêtaient à la capturer et la torturer. Mera ne pouvait pas laisser faire ça. Hors de question. Sa sœur était toute sa vie. Elle observa l'arme qu'elle tenait entre les mains. Une arme à feu. Son sang ne fit qu'un tour ; il fallait qu'elle la sauve coûte que coûte. Alors elle se mit en position correctement et tira. […] Isaÿr avait enfin touché la cible. Combien de fois avait-elle tiré avant de réussir ? Elle ne s'en souvenait plus. Les dernières minutes avaient été frénétiques, intenses, écœurantes mais excitantes. Elle était encore loin du centre, mais au moins elle avait touché un anneau. « Aha ! Tu as vu ça ?! » lança-t-elle en riant et en sautant sur place, visage radieux tourné vers Nightingale. Sa soldate devait bien se marrer de la voir si maladroite, mais Mera était heureuse d'avoir enfin partiellement réussi. Soudain terriblement embarrassée par la démonstration de bonheur dont elle venait de faire preuve, elle se reprit rapidement et se racla la gorge. « Ahem, pardon. » souffla-t-elle en retrouvant sa désinvolture habituelle. « C'est juste que je ne pensais pas réussir à toucher cette foutue cible un jour. » Isaÿr la pointa vers le sol, un peu fatiguée de la tenir sous le bras. Son épaule était engourdie, et même un peu douloureuse. Elle avait des milliers de questions à poser à Nightingale, mais pouvait-elle se le permettre ? Mera ne pouvait pas se mêler de la vie des gens quand ils tentaient de l'oublier en se connectant au Darwin's Game. Elle se mordit la lèvre, observa la jeune femme et son bras mécanique. Elle avait du vivre des atrocités, et pourtant elle était là, à l'aider, à lui apprendre, à s'occuper d'elle alors qu'elle aurait pu haïr le monde entier. Nightingale était une femme incroyable que Mera respectait beaucoup et qu'elle était fière de compter parmi les siens. « J'ignore si le terme « préférer » est adéquat, mais … Est-ce que tu préfères manier ton arme actuelle, ou les armes à feu ? » risqua-t-elle finalement en jetant un coup d’œil à celle qu'elle tenait fermement dans sa main droite. « J'ai décidé d'apprendre à m'en servir parce qu'elles sont bien plus meurtrières que les cimeterres que je manie, mais … Je trouve ça redoutable, inhumain. C'est … Ça ne laisse aucune chance à l'adversaire. Non ? Ça me donne froid dans le dos. » grimaça Isaÿr en relevant enfin les yeux vers Nightingale.

Isaÿr ₪ Nightingale

devenons plus forte ensemble.

GleekOut!

Raté.
Elle venait de rater son tir et en se redressant ne pouvait pas cacher son mécontentement. C’était sans compter la gentillesse de son chef qui posait déjà une main sur son épaule pour la soutenir. Pour la rassurer. Elle étouffa un rire sarcastique. La situation était risible à ses yeux parce qu’elle était le professeur et elle n’avait pas été capable de toucher la cible correctement :

« Pas loin, n’est pas suffisant comme le disait mon instructeur. »

Robin Morgan avait toujours poussé sa jeune protégée à bien tirer, à s’appliquer pour ne pas rater sa cible. En temps de guerre, perdre quelques secondes pouvait revenir à perdre la vie. Nightingale retentait déjà l’expérience sans attendre. Il ne fallait jamais rester sur un échec. Pour Isaÿr, elle aurait été capable de beaucoup de choses. Comme se replonger dans des souvenirs dont elle voulait se débarrasser. Car tenir une arme ne lui rappelait pas de bons moments, elle se faisait violence, car cet entraînement pourrait un jour sauver son Chef. Cette simple idée gonflait son cœur de fierté et un sentiment bien familier que l’on appelle le plaisir du travail bien fait envahissait son être. Elle se mit un peu en retrait une fois les cibles remises à leur place. Le premier tir était toujours le plus dur. Le reste ne faisait que suivre une suite logique quand on prenait le pli. Nightingale voulait laisser à Isaÿr de l’espace pour se concentrer. Les bras croisés, elle regardait aux alentours pour vérifier qu’aucun aventurier un peu trop curieux n’était en approche. C’est alors qu’elle vit un changement de comportement chez son chef. Une sorte de lueur meurtrière dans les yeux que Nightingale connaissait bien. Trop bien même. Qu’importe ce qui se passait dans sa tête : l’espionne savait qu’elle ferait mouche au prochain coup de feu. Elle ne manquait plus sa cible. Touchant l’extérieur du cercle, elle n’était pas loin du centre et un sourire sincère, heureux illuminait déjà le visage du soldat.

« Haha un peu mon neveu que j’ai vu ça ! Je t’avais bien dit que cela allait venir ! »

Elle venait de la tutoyer. Pourquoi ? Elle ne savait pas réellement. Elle ne tutoyait que très peu dans la vie de tous les jours, encore moins ses supérieurs même si elle n’était plus sous leur commandement. Il fallait que croire qu’elle se sentait proche d’elle en quelque sorte en cet instant. Astrid aussi avait sauté de joie la première fois que son tir avait fait mouche. Elle avait également fait l’impensable.

« Tu n’as pas à t’excuser ! La première fois que cela m’est arrivé, je me suis jetée au coup de mon instructeur qui était plus gradé que moi, alors, ne t’en fais absolument pas. »

Nightingale sentit le regard d’Isaÿr sur son bras. Elle tentait de le cacher avec un gant, mais elle savait. Le jeu avait eu la clémence de lui accorder une prothèse de métal. Sa main n’était pas aussi mobile que sa consœur, mais elle avait su s’habituer. Lorsque la question sortit de ses lèvres, elle eut un sourire en coin. Resserrant son emprise sur le bois de son arc, elle décida pour la première fois depuis son retour d’Afgha de se confier sur les atrocités de la guerre et parler de son quotidien partagé avec les armes à feu à une personne étrangère au milieu militaire.

« Je ne dirais pas qu’elles sont plus meurtrières... Une fusil ou bien un pistolet doit être rechargée, ces armes peuvent surchauffer, certaines ne sont pas étanches… Il y a tellement de facteurs qui peuvent changer la donne. Alors, ce n’est pas comparable. Je préfère manier l’arc parce qu’il est plus silencieux, plus noble et je dirais civiliser en quelque sorte. Et puis… Les armes à feu sont bruyantes et dans DG on sait que faire du bruit s'est carrément appelé la faucheuse en personne ! »

Nightingale sortit de sa ceinture une nouvelle cartouche avant de tendre ses mains pour prendre l'arme et montrer à Isaÿr comment changer les munitions. Expliquant ses faits et gestes, elle tentait de les faire lentement, car si elle s’écoutait, elle irait vite.

« Tu appuies sur l’encoche ici et tu tires dessus. Le chargeur va venir tout seul. Pour le remettre, tu as juste à l’enfoncer et tu es prête à tirer de nouveau. Qu'importe l'arme à feu que tu utilises, la façon de procéder ne change pas plus que celz. »

Elle tendit de nouveau le FAMAS à Isaÿr ainsi que le nouveau chargeur pour qu’elle essaye.

« Je pense que c’est une bonne chose que tu apprennes à manier les armes à feu. Elles peuvent te sauver la vie quand tu es loin de ta victime parce que je ne ferais pas confiance à ces dernières en corps-à-corps. Il suffit que l’adrénaline ne joue pas en ta faveur pour que tu perdes le contrôle de toi et une balle est vite perdue. Le temps que tu te remettes en position et tu meurs. Les armes blanches ou bien à longue portée comme mon arc sont tout aussi dangereuses à leur façon. A mes yeux, la seule raison pour laquelle ce genre d'armement est populaire c'est parce que cela se rapproche des jeux vidéos que la plus parts des joueurs ont chez eux. On ne joue pas à Call of Duty avec des arcs ou bien des épées. Les nouveaux se jettent donc sur les armes à feu pensant que cela va les sauver alors que c’est généralement ce qui les condamne. »

Dans l'armée américaine certains soldats, ou plutôt de jeunes recrues abandonnent rapidement les entraînements de tirs parce que les armes à feu ne sont pas faites pour eux. Un détail qu’elle se devait de dire à son chef :

« Durant mes années de service, j’ai vu plusieurs de mes hommes partir de l’armée parce qu’ils n’aimaient pas tirer. Ce genre de sentiments ne se contrôle pas, mais tu peux d’habituer à ce dernier. Apprendre à les utiliser ne veut pas dire que tu dois changer ta façon de te battre et embrasser le maniement de ces armes. Cela te donne des atouts dans le jeu de l’improvisation. Et puis, ça surprends toujours les autres de savoir que les Gaïa sont assez évolués pour pouvoir tirer. »

always learning ☆ Nightingale exerçait une sorte de fascination réelle chez Mera qui buvait littéralement ses paroles. Elle n'aimait pas beaucoup l'autorité – être l'autorité n'offrait pas plus de liberté mais permettait de moins haïr les autres – ni même les professeurs. Mauvaise élève depuis toujours, très peu attentive aux conseils et remontrances des adultes qui avaient voulu l'instruire, Mera se dit qu'avec quelqu'un comme Nightingale, elle aurait pu apprendre n'importe quoi. Elle observa attentivement la façon dont la jeune femme rechargeait l'arme et acquiesça pour signifier qu'elle avait bien compris. Par ailleurs, elle ne s'offusqua nullement de ce soudain revirement dans la hiérarchie et de la nouvelle lubie de Nightingale de la tutoyer. C'était bien plus agréable et intime ainsi, Isaÿr ne pouvait le nier. Elle récupéra l'arme avec précaution et continua d'écouter son professeur en se mordillant la lèvre, tic qu'elle n'avait malheureusement pas abandonné dans le jeu. De l'autre côté, c'était signe d'une grande concentration. « Tu as raison. » souffla-t-elle en se tournant de nouveau vers les cibles, mue par une détermination nouvelle et évidente. « L'important n'est pas d'aimer, surtout pas dans le DARWIN'S GAME. Et les GAIA ne sont pas des faibles. » Isaÿr profita de cette déclaration pour s'armer et tirer. Encore loin du centre de la cible, elle parvint néanmoins à en toucher un cercle extérieur. Pas très douée, mais elle finirait par y arriver. Parce qu'elle en était capable, au même titre que n'importe qui. En attendant, ce serait son aptitude au corps à corps qui ferait la différence. Call of Duty n'était pas sa tasse de thé ; elle, elle aimait les jeux médiévaux. Les épées, les arcs, les couteaux. Les armes blanches, l'authenticité, la rapidité, l'agilité. Le GAIA suivaient son exemple, mais d'autres, comme Nightingale, étaient là pour lui rappeler que ça ne suffirait pas toujours. Changer ses habitudes était une tâche compliquée un peu irritante. « Sauver ma vie ne m'intéresse pas. Elle n'a aucune valeur à mes yeux si les GAIA sont en danger, ou si la personne que j'ai suivie dans ce jeu infernal l'est. C'est vous qui m'importez. » La demoiselle poussa un cri de rage, véritablement en colère (il en fallait peu à Mera pour passer d'une extrémité à l'autre bien que constamment indifférente en apparence), et tira encore. Et cette fois, la balle se logea plus près du centre de la cible qu'elle n'avait pu le faire jusqu'alors. Il lui fallait d'excellentes motivations qu'elle venait de trouver pour réussir à manier cette arme. Aria. Les GAIA. L'alliance avec les ATOM. Se protéger des CAHO et ESHU. Les raisons se bousculaient dans son esprit, mais jamais sauver sa propre vie ne s'imposa à elle. Qu'avait-elle à offrir au monde ? Rien du tout. De la drogue maison, et une carte V.I.P à l'hôpital après s'être faite tabasser par un client mécontent. Sa contribution à la planète s'arrêtait là. Et pourtant, mourir était une perspective terrifiante, parce qu'il y avait Aria. Parce que l'idée que le monde continue de tourner après sa disparition la rendait extrêmement triste. La mort serait certainement plus facile à accepter si l'on se disait que tout s'arrêtait en même temps que nous ; la vie, les gens, absolument tout. On partirait plus sereins, moins jaloux. « Où as-tu appris à tirer à l'arc ? » demanda-t-elle finalement en laissant retomber l'arme le long de son corps, avant de masser son épaule de sa main libre. « Est-ce que l'on vous apprend cela à l'armée ? Ou d'autres armes ? » L'arc, certainement pas. Ce serait trop beau. Mais les armes blanches ? Sans doute. Les soldats devaient être entraînés à se battre avec les poings. Ou peut-être pas. Son père, le grand et beau Rohan Birdwhistle, avait bien tenté de l'y envoyer en déclarant que ce serait bien pour la recadrer. Ce jour-là, il l'avait perdue pour toujours. Mera détestait les armes, n'aimait pas tuer. Elle le faisait parce qu'elle y était obligée.

Isaÿr ₪ Nightingale

devenons plus forte ensemble.

GleekOut!

Nightingale regardait les moindres faits et gestes de son chef. Perfectionniste, elle pouvait prévoir qu’elles ne partiraient seulement à l’instant où son tir toucherait le milieu de la cible. Une chose qui convenait parfaitement à son espion qui était la patience incarnée. Quand on était Lieutenant, il fallait en avoir parce que les bleuets chiants, elle en avait connu des tas. Isaÿr ne faisait pas partie de ce cercle cependant. Elle était bien au-dessus. Pourtant, le soldat s’était mis à la tutoyer, sans même s’en rendre compte, comme si cela était normal. Voyant que cela ne dérangeait pas son élève de fortune, elle continuait sur cette lancée : n’hésitant pas à se confier sur sa vie réelle et passée. Elle souligna aussi le fait que tout le monde prenait les Gaïa pour des faibles. Une chose que Nightingale voulait corriger en ne s'imposant non pas par la force, mais bien par la façon de se battre et le respect qu’elle pouvait avoir contre ses ennemis lors d’un Death Match. Si le jeu enlevait l’humanité de certain, l’ancienne militaire avait vu à quel point la cruauté de l’homme pouvait être sans limite et elle ne laisserait pas ces sentiments néfastes infestés le jeu. Enfin. C’était déjà le cas. Il n’y avait maintenant qu’à limiter la casse. S’approchant de son chef, ses yeux étaient rivés sur sa position. Elle la laissa tirer de nouveau pour confirmer ce qu’elle venait de voir. Par la suite, elle se permit de remettre son coude à sa place et de replacer ses épaules. Un sourire en coin apparut sur le visage de l’espion. Laissant Isaÿr pousser son cri de guerre qui aurait effrayé le moins farouche des combattants, Nightingale commenta les paroles de son leader.

« Tu ne peux pas nous protéger cependant si tu es morte n’est-ce pas ? Gaïa a besoin de toi. Mais... Tu prêches une convaincue, c’est le rôle d’un leader de garder un œil sur sa famille et de les unir sous une même bannière. Tu tiens ce rôle à merveille, crois-moi, beaucoup comme sont prêts à mourir pour Gaïa, pour toi. »

Astrid avait insufflé à Nightingale sa franchise, elle ne mentait pas, elle ne disait pas cela pour caresser la demoiselle dans le sens du poil. Elle pensait chacun des mots qui étaient sortis de sa bouche. Son regard appuyait ses dires, supprimant tout doute possible quant à la nature de ces paroles. Elle alla replacer les cibles non sans en profiter pour jeter un coup d’œil aux alentours juste au cas où. En revenant auprès d’Isaÿr, sa question la fit perdre son sourire. Elle avala difficilement sa salive. Jamais elle n’avait parlé réellement de sa passion pour l’arc, pas même à Robin, ou bien Sean, et Drathir n’avait pas encore eu cette chance non plus.

« Ma maman était une championne nationale, puis elle a gagné deux fois aux Jeux Olympiques. Je tire à l’arc d’aussi loin que remonte ma mémoire. C’est le premier cadeau qu’elle m’a fait. Je l’ai encore dans un coin de ma chambre. Même aux Etats-Unis, j’ai trouvé un club et j’ai continué. Mon entraîneur m’a dit que j’aurais pu faire les JO comme ma maman, mais… J’ai préféré suivre la voix de mon père. Ce qui ne m’empêche pas de continuer les entraînements à Chicago et ce même avec mon handicap. À l’armée, j’ai appris le maniement des couteaux de chasse qui peuvent te sauver la vie quand un ennemi te tombe dessus. Autant quand tu tires, tu ne vois pas les émotions de la personne que tu abats. Au corps-à-corps… C’est différent. Et là-bas, ce n’était pas DG. On ne peut pas racheter des vies. »

Nightingale était surprise. Les mots étaient venus facilement dans sa bouche. Ils n’avaient pas été larmoyants ou bien tendres. Elle avait parlé normalement d’un sujet qui la faisait souffrir et qui lui rappelait qu’elle n’avait jamais connu réellement ses parents. Elle avait d’eux seulement des photos, des fragments de souvenirs et des années de questions. Pire encore, elle avait parlé de ses années de service. Elle n’avait jamais tué par le plaisir, n’avait jamais touché aux femmes et aux enfants, mais elle savait que dans certains régiments des débordements avaient été enregistré.

« Et toi alors, où tu as appris à tirer à l’arc ? Comment tu es devenu le Leader de Gaïa si je peux me permettre ? »

always learning ☆ Mera comprenait à présent davantage les origines et le courage de Nightingale. Ses parents avaient un parcours original, sa mère notamment. Si c'était devenu un sujet tabou pour la jeune femme, elle ne put s'empêcher d'être impressionnée par les révélations de sa jolie soldate, et esquissa un sourire. « Ta mère était certainement une femme exceptionnelle. » Elle n'avait pu s'empêcher de remarquer que Nightingale avait parlé d'elle au passé. Etait-elle décédée, comme la sienne ? Sans doute. Aussi avait-elle jugé plus prudent de parler à son tour au passé, au risque de se fourvoyer. « Tes parents t'ont transmis un grand courage et de belles valeurs. Tu peux être fière d'eux, et de ce que tu es. » Qu'est-ce que lui avait réellement transmis Jane Vance Birdwhistle ? L'amour. Le sens des responsabilités. De belles valeurs également, que Mera appliquait chaque jour qui passe malgré les difficultés qui se mettaient en travers de son chemin bien plus fréquemment qu'elle ne l'aurait voulu. Maman ne serait certainement pas contente de savoir que sa fille aînée avait basculé du côté obscur de la force. Vint la question de savoir comment la jeune Isaÿr était devenue chef. Et une bonne chef, à en juger par les propos de Nightingale qui l'avaient emplie d'une fierté humble et donné un élan de courage. « J'ai dérobé par hasard l'arme fétiche du précédent chef CAHO en m'infiltrant à Camden Church. J'ai fait ça pour m'amuser, ou pour me prouver quelque chose peut-être. Mais Greyback, le précédent chef GAIA, a été extrêmement impressionné en reconnaissant l'arme, et m'a promue bras droit. Je n'en n'avais aucune intention, ni aucune envie, c'est arrivé comme ça. » La jeune femme caressa du regard l'arme qu'elle tenait dans la main. Ce souvenir était à la fois amusant et douloureux pour elle. Elle continua, plus doucement : « Quand il a perdu sa dixième vie, je suis devenue chef. Il était un peu inconscient et aimait aller aux devants du danger. Je n'étais absolument pas prête à le devenir, mais le contrôle est un sentiment puissant auquel on s'habitue trop rapidement. » A ces mots, Isaÿr grimaça. Exposer ainsi ses sentiments et faiblesses était naturel mais terrifiant. La confiance qu'elle accordait à Nightingale lui parut évidente. Jamais elle n'aurait dit tout cela à n'importe qui. Nightingale avait prouvé sa loyauté à la team à de nombreuses reprises, et elle était persuadée de ne pas se tromper en affirmant qu'elle l'était vraiment. Mais viendrait le jour où les teams ne seraient plus, et que chacun se battrait pour survivre. Non ? Qui savait ce que leur réservait les développeurs du Darwin's Game ? « Quant à l'arc, j'ai appris ici, comme les armes blanches, comme les armes à feu. Je ne savais rien faire quand je me suis inscrite, rien du tout. A part voler, bien sûr. Les GAIA sont très patients avec moi, c'est pourquoi je me dois de vous protéger jusqu'au bout. » Un sourire amusé et complice se dessina sur ses lèvres charnues. L'amour de Mera pour les siens était indéniable. Elle avait mille raisons de les protéger, de les mener à une victoire encore floue. Mille raisons de souhaiter qu'ils tiennent encore debout quand elle sera morte, et que le prochain Chef sera mort, et encore, et encore, et encore. Peut-être qu'elle était vraiment devenue une Chef digne de ce nom avec le temps. Impossible d'en être sûre, elle qui doutait tant de tout depuis toujours. Elle agissait de la façon qui lui semblait le plus juste, sans savoir si elle prenait les bonnes décisions. Mera maudissait profondément le jour où elle avait accepté d'être le bras droit de Greyback, mais pas autant que le jour où elle avait cédé à la fièvre Darwin's Game. C'était la plus grosse erreur de sa vie. « Que dirais-tu que l'on s'entraîne encore quelques minutes et que l'on retourne au camp ? La nature s'éveille, le bruit va bientôt attirer prédateurs et curieux. » Les GAIA avaient cette capacité d'observer et de discerner les bons moments des mauvais. En l'occurence, si le temps était presque impossible à mesurer ici, Isaÿr était convaincue qu'il était passé plus rapidement qu'il n'y paraissait. Les lueurs du petit matin avaient laissé place à un soleil plus coriace et agressif. Difficile de savoir comment se vêtir en ces lieux, quand on savait qu'il pouvait se mettre à neiger d'une minute à l'autre, sans raison apparente. Ou à grêler. Ou à faire si chaud qu'on hésitait le temps de quelques minutes à se dévêtir complètement, avant de grelotter.

Isaÿr ₪ Nightingale

devenons plus forte ensemble.

GleekOut!

Les mots sortaient de sa bouche avec aisance, sans qu’elle n’ait à se forcer. Les phrases naissaient dans son esprit et ne tardaient pas à être partagé à haute voix. Était-ce parce qu’elle savait que son chef ne pouvait pas la juger ? Qu’il était presque normal qu’Isaÿr sache tout d’un de loyal soldat. Après tout, si jamais d’aventures, elles devaient se retrouver dans la panade, il était bon de savoir que la personne à vos côtés ne vous lâchera pas. Nightingale faisait donc une ouverture sur le passé, elle n’avouait seulement qu’à demi-mot, la mort de ses parents. Le mot n’avait à vrai dire jamais franchit ses lèvres les concernant. Elle utilisait des métaphores, des phrases alambiquer, mais jamais elle n’a dit qu’ils étaient morts. Son psychologue avait tenté de lui arracher les verres du nez, mais rien n’y faisait. Jamais encore elle n’avait parlé de sa maman à une personne extérieure. Pas même à Robin. Astrid avait farouchement caché son passé, ses origines comme si en parlait allait lui arracher ces derniers de sa mémoire. Nightingale, cependant, n’avait pas ce souci-là puisqu’elle était née dans le jeu. Il peut paraître étrange de différencier les deux aux yeux d’Astrid, mais c’était seulement dans le but de se protéger, se préserver. Une fois son histoire finie, elle offrit un sourire sincère à Isaÿr. Le genre qu’elle n’offrait pas à mille et une personnes. Elle appréciait son chef. Encore plus maintenant qu’elle connaissait son passé. Le soldat soupira lorsque son élève d’un jour affirmait que ses parents lui avaient inculpé de belles valeurs. Elle n’avait que 5 ans quand ils sont décédés, malgré tout, elle possède encore des souvenirs vivaces du visage de sa mère ou bien de la voix de son père. Elle avait des lettres de lui qu’elle gardait précieusement dans une boîte avec le peu d’objets qu’elle a pris avant de partir avec sa tante pour l’Amérique. Il n’y avait pas seulement des objets de son enfance, il y avait aussi la croix d’honneur qu’on lui avait remis pour être revenue d’entre les morts, celle de son meilleur ami ainsi que le drapeau qui avait couvert son cercueil puisque ce dernier n’avait plus de famille. Si jamais il y avait le feu dans la caserne un jour : cela serait la première chose qu’elle sauverait.

« Sûrement. Ce sont les meilleurs qui partent toujours en premier hein ? »

Une phrase tellement vraie. Aux yeux de Nightingale tout du moins. Que cela soit dans la vraie vie, ou dans le jeu : les meilleurs ouvrent le bal macabre des damnés. Si son entourage n’aimait pas l’entendre, Astrid était impatiente de voir s’il y avait bel et bien quelque chose après la vie. Elle espérait revoir les personnes chères à son cœur, que cela soit ses parents ou bien ses hommes. C’était sûrement pour cela qu’elle n’avait pas réellement peur de la mort. Pourtant, quand on l’implore pendant des mois, sans qu’elle ne vienne : on ne peut être qu’aigrit et désireux de prendre sa revanche. Tant qu’elle aurait de la force, elle ne succomberait pas au charme de la faucheuse. Elle la narguerait, elle la ferait languir. Maintenant qu’elle était passée aux aveux, elle était curieuse de savoir comment Isaÿr était arrivée au pouvoir. Après tout, elle était jeune et pourtant, elle avait réussi à s’imposer d’une main de maître sur le clan des Gaïa. Si ce n’était pas la faction, la plus populaire, celle qui était sous les quolibets des autres : les verts avaient au moins la valeur de la famille et de l’importance des autres. Pendue à ses lèvres, elle écoutait son histoire sans en perdre une miette ne pouvant s’empêcher de sourire en imaginant cette brave guerrière se faufiler sous le nez des brutes CAHO pour leur dérober un précieux butin ! Lorsqu’elle la vit grimacer, elle hocha positivement de la tête. Astrid connaissait parfaitement ce sentiment, ce que voulait dire Isaÿr. Lorsqu’elle avait été promue Lieutenant, qu’on lui avait donné la liste de son escadron : elle avait eu la chair de poule et une envie irrésistible de rire de joie, de fierté, d’honneur. En l’entendant parler ainsi, sa volonté de la servir, de mourir pour elle ne fit que s’accentuer. Qu’importe ce que le jeu avait prévu pour eux : elle ne tournerait jamais ses armes contre Isaÿr. Lorsque Nigtinhale ou bien Astrid ne disait jamais : il n’y avait pas de négociations possibles. Elle assumerait pleinement ce choix. Son oncle et sa tante lui avaient appris à toujours tenir sa parole et à dire la vérité.

« S’il est vrai qu’on prend goût aux pouvoirs, il est important de ne pas perdre la tête. Je pense qu’il est admirable que tu es réussi à t’imposer ainsi sur les Gaïa sans pour autant être ivre et imbue de ta personne. Il n’est pas facile d’être jeune et d’être un leader. Je suis une des plus jeunes Lieutenant que l’armée américaine a connue, ce qui fait que cette responsabilité, ce titre est d’autant plus gratifiant hein ? »

Regardant aux alentours, l’espion n’hésitait pas à demander où elle avait appris l’arc. S’il était presque normal pour une personne « normale » de ne pas savoir manier les armes à feu, manier l’arc était encore plus incongru. En apprenant que c’était le jeu qui lui avait tout appris, Nightingale se mit à rire. Parfois, on en oubliait que les personnes qui faisaient partie de notre équipe, nos ennemis étaient humains. La plus parts n’avaient pas d’expériences militaires, du combat, etc.

« Et quel meilleur moyen de te rendre cet amour et ce sens du devoir qu’en te protégeant ? Tu sais… On peut dire ce qu’on veut sur les GAÏA, mais moi, je suis, on ne peut plus, fier de porter ce tatouage ! Parce que cela m’a permis de rencontrer des personnes incroyables et de servir une personne que j’admire. »

Ses paroles pouvaient sembler niaiseuses et pathétiques. Nightingale ne faisait pas dans ce registre. Si elle disait ces mots : c’est qu’elle les pensait de tout son cœur et de toute son âme. On ne pouvait pas dire qu’elle faisait ce genre de déclaration souvent. Bien au contraire. Dans son histoire, il n’y avait que peu de traces de gentillesses dites comme celle-ci. Elle regarda aux alentours lorsqu’ Isaÿr proposait de bientôt rentrer. Le temps passait à une vitesse dans Darwin. Le fait que tout soit artificiel n’aidait pas réellement les joueurs à se rendre compte de l’heure.

« Nous avons encore pleins de vies devant nous pour continuer cette séance. C’est un excellent début en tout cas. Encore quelques heures et je suis persuadée que tu seras plus puissante que la plupart des CAHO, au moins tu as un cerveau ! D’ailleurs, ces derniers commencent à s’infiltrer sur notre territoire, j’ai vu quelques rouges dans la forêt l’autre jour. Je verrais pour construire de nouveaux pièges si tu veux. »

Nightingale n’aimait pas réellement ce clan qui prônait la violence. Ayant été victime dans la vraie vie de psychopathe comme cela : on ne pouvait pas dire qu’elle les portait dans son cœur. Tous les comme les ESHUS, mais cela était encore plus personnel. Ils l’avaient torturée et payeraient un jour. Alors, truffé la forêt de piège en bois semblait être une bonne idée puisqu’elle savait manier ce matériel noble.

« A vous l’honneur chef. »

Dit-elle en désignant la cible de la tête.

always learning ☆ « Et je suis fière de te compter parmi mes rangs. Tu fais partie de ces rares personnes qui me donnent encore foi en l'humanité. » répondit Isaÿr, sincère, profondément touchée par les mots de Nightingale. C'était sans doute la première fois de sa vie qu'elle recevait un tel compliment. La première fois qu'on lui disait à elle, pauvre petite dealeuse sans vertu, qu'on l'admirait. Ses jous rosirent brutalement, et Mera détourna le regard pour ne pas perdre ses airs dignes. Pour un peu, elle aurait même fondu en larmes. L'entraînement continua quelques minutes durant, dans la concentration et la complicité. Nightingale se contenta de changer la position de son corps quand Isaÿr se plaçait mal. La perspective de pouvoir botter le cul d'un CAHO était trop plaisante pour ne plus s'y remettre après aujourd'hui. Ne serait-ce qu'un peu. Perfectionner les mouvements, la position, l'agilité. Apprendre à accepter cette nouvelle extension de son être, comme ses cimeterres, ses poignards ou un arc. « Tu es un très bon professeur Nightingale. Merci pour le temps que tu m'as accordé. » souffla-t-elle finalemet en posant sa main sur l'épaule de la jeune femme, avant de lui rendre l'arme avec beaucoup de respect. « Je te suis redevable. Si je peux faire quoi que ce soit en échange de ton apprentissage, n'hésite pas à me le demander. » Isaÿr sourit et fit un bref signe de tête en direction de la forêt pour enjoidre Nightingale de la suivre en sens inverse. Le quartier général était à bonne distance de la cabane de la Mouche Hurlante, et ce n'était guère sûr à cette heure-ci, quand les membres commençaient à se connecter avant de partir au travail ou à l'école. […] Le trajet se fit rapidement, dans le silence le plus complet. Les GAIA aimaient le silence, le chant des oiseaux, mais par dessus-tout être discrets. C'était le meilleur moyen de survivre dans un endroit comme celui-ci. Lorsque le danger ne venait pas de joueurs de teams ennemies, il venait des animaux étranges et gigantesques. Ceux qu'ils chassaient, et ceux qu'ils évitaient. Surtout ceux qu'ils évitaient. Le soleil avait laissé place aux nuages et une vague de froid s'était abattue sur la map. Le temps passant, Mera ne parvenait pas à s'habituer aux changements météorologiques aussi surprenants qu'insensés. Elles atteignirent non sans mal l'usine désaffectée, lieu de refuge et de sûreté qu'elle se faisait un plaisir de retrouver à chaque connection. On ouvrit les portes à leur passage et Isaÿr remercia d'un signe de tête les pauvres gardes obligés de rester dehors, elle-même étant bien trop heureuse de retrouver la chaleur de ce trop plein de métal en proie au lière et aux ravages de la nature. Ici et là, on commençait déjà à allumer des feux. Mera sourit, salua quelques personnes, parcourut les quelques couloirs qui les séparait de la salle principale. « Je te laisse à tes occupations, à présent. Quoi que tu fasses, joue prudemment. » murmura-t-elle en serrant la main valide de Nightingale, avant de tourner les talons pour rejoindre la table sur laquelle reposaient les plans des éclaireurs. Il était déjà temps pour Mera de sortir, si tenté qu'elle puisse déjà le faire à cette heure-là.