ascenseur pour l'échafaud

avec giant fairy (deathmatch détourné)

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Il se cabre sur le parapet. Le vent tantôt le presse contre la paroi et tantôt le bouscule vers le vide. Les doigts nichés dans des prises de fortune, Talamasca vacille, les chevilles fragilisées par l'immensité, vide, sous lui. Il a le vertige comme tout être raisonnablement doté d'instinct a le vertige à quelques quatre-vingts mètres du sol. C'est un frisson insurmontable, envahissant, qui ne connait pas d'autre empire que l'abîme qui s'étend sous les pieds de l'ATOM parfaitement inconscient. Tout Darwin Harbor est en ruines, et ça en contrebas. Il n'est pas encore au sommet qu'il peut déjà contempler l'écrasante beauté d'une ville dont une catastrophe incroyable n'a guère laissé que des morceaux. Ce spectacle n'a pas d'histoire. Les créateurs du jeu n'en ont pas fait une ligne. C'est libre d'imagination. Et Talamasca se sent libre d'inventer. Il aime toutes les possibilités de ce terrible horizon, les anfractuosités de ce paysage, les milliers de détails chaotiques qui forment la mosaïque urbaine.

Le bandeau, même serré à lui mordre le crâne, ne tient pas tous ses cheveux ensemble. Charriées par les bourrasques, les mèches se répandent sur son front et lui obstruent la vue. Il les chasse d'un revers agacé, les mains cherchant toujours à recouvrer un équilibre sur ce perchoir un peu trop audacieux. Au bord d'un mur éventré, les bottes dépassent de plusieurs centimètres du bord. Il y a bien assez pour qu'un homme y tienne, mais la façade offre une telle prise aux vents que le moindre mouvement s'avère dangereux, sinon fatal. Alors Talamasca est-il plein de précautions. Il s'assure de tenir. Il ne se déplace que lorsqu'il le faut et il observe un temps raisonnable entre chaque manœuvre. A cette hauteur, chaque étage – et il en reste sept avant de parvenir au sommet - est dévasté, ouvert tel un cratère sur plus du tiers de la superficie. Les poutres, les cloisons et même certains plafonds sont écrasés les uns contre les autres, rejoignant quelques fois les niveaux inférieurs. Il n'y a qu'un seul moyen de monter davantage, et c'est par l'extérieur. Et le voilà.

Il est surpris par le crissement du béton sous des semelles. Machinalement, Talamasca bloque son poignet pour se maintenir et, de l'autre main, il cherche le pistolet coincé dans sa poche pour tout holster. En levant le regard plutôt que la mire, il découvre la silhouette qui s'extirpe de l'ouverture entre ce palier et celui du-dessous. Il en vient. Il sait combien il n'est pas aisé de se hisser jusqu'ici et, néanmoins, il est incapable de croire qu'on se soit donné tout ce mal pour le suivre. « Je te connais... » Ça le percute presque aussi bien que la beauté de sa visiteuse. Il ne sait pas précisément. « Qu'est-ce que tu fous ici ? » Par réflexe, et pour donner du temps à sa mémoire, Talamasca emploie le timbre le plus dédaigneux qu'il se trouve – les ESHU font ça, souvent, trop souvent et, la plupart du temps, ça donne à réfléchir aux ennemis potentiels. Cette fois, ce sera un échec, mais il l'ignore encore. De plus, et parce qu'ainsi juché, il est incapable de s'armer, il abandonne l'idée de tirer le flingue de sa cachette et s'agrippe un peu mieux pour ne pas se précipiter vers quatre-vingts mètres de chute libre.

ASCENSION 0/10

Je le vis qui grimpait encore une fois, reconnaissable à sa tignasse. Cette fois-ci, je décidais de ne plus hésiter et d'aller le voir. Je n'avais rien à perdre... ah si, une vie. J'allais tout de même faire attention à ne pas me faire avoir en parlant. J'installais correctement ma batte dans mon dos à l'aide de sangle. Je me mis à sa poursuite, espérant le rattraper avant qu'il n'atteigne le sommet. Quoique, ça pourrait aussi se faire dans le sens contraire. Il devait être rendu au quatrième étage. Je restais un moment immobile à regarder aussi loin que je pouvais les différentes prises que je pourrais me risquer à prendre. Entre les voir et pouvoir aller dessus, il y avait une grande différence. Je me faisais un début de chemin, mais ça ne voulait pas dire que je ne ferais pas de détour ou que je ne pourrais pas avoir de raccourci. Pour quelques bouts, j'avais un chemin déjà tout tracé parce qu'il avait utilisé. Il n'était pas tombé, alors ça devait être utilisable. Je ferais preuve de plus d'originalité et de débrouillardise plus tard. Lentement, rapidement tout dépendant des fois, mais toujours sûrement, je me mis à grimper.

Puis, je réussis à le rattraper, attendant ensuite le bon moment afin de me montrer afin qu'il ne réagisse pas de manière violente. Lorsqu'il fut un peu plus vulnérable niveau défens, je m'avançais, mes pas me devançant sur mes paroles, montrant que j'étais là. « J'suis douée. » dis-je, sans la moindre trace de modestie dans la voix. Pas tant que ça (je m'améliorais peu à peu), mais je ne comptais pas le lui dire. Peut-être qu'il me connaissait de la vraie vie (bien que je préférais celle de Darwin au final), avec les pubs que je faisais. Comment savoir ? Je n'allais pas lui en dire plus sur moi. Je me rappelais l'avoir déjà vu de loin, grimpant. Raison pour laquelle j'étais à présent ici et que cette idée que j'avais s'était mise peu à peu à germer. Elle était prête a éclore.

« Je me disais qu'on pourrait faire un concours pour changer un peu des combats. » commençais-je à expliquer, le ton qu'il avait employé ne me gênant pas du tout (je lui dirais bien de prendre des cours, mais ce n'était pas le sujet). Je pris ensuite une pause afin de voir s'il était intéressé ou pas. Puisque ça semblait être le cas, je continuais. « Le premier qui atteint le sommet peut tuer l'autre. Pas d'attaque pendant qu'on grimpe, mais on s'aide pas. » rajoutais-je. En gros, que notre talent de grimpeur. Comme ça, ça serait un peu plus à égalité. Je ne savais pas trop ses autres compétences, mais la plupart du temps, j'étais bien en-dessous de tout. Sauf avec ce qu'il était en train de faire, là, je pouvais au moins me mesurer un peu plus. Et pour une fois, je ne pensais pas à tricher. À l'attaquer dès que je verrais une ouverture. Je voulais vraiment user de ce que je savais et de ce que j'avais appris depuis que j'étais ici. C'était ce que je pensais maintenant, je ne pouvais pas prédire ce que j'allais penser plus tard.

ASCENSION 0/10

Quel genre de personne lance un défi pareil ? Quel genre de personne l'accepte ?

« D'accord. » Un voile de sérieux peu commun sur les traits, Talamasca la revoit émerger depuis les étages inférieurs. Il ne doute pas qu'elle soit douée. D'abord, elle l'a suivi jusqu'ici (ce qui n'est pas prodigieux à proprement parler mais qui n'est pas non plus à la portée du premier-venu). Ensuite, il se souvient, maintenant, pourquoi il la connait. Ce n'est pas exactement ça. Ce n'est même pas du tout vrai. Il ne sait strictement rien de cette fille, sinon qu'elle aime, comme lui, se hisser sur les hauteurs de la ville et se jucher à plusieurs mètres au-dessus des autres joueurs. Pour autant qu'un amateur puisse en juger, elle le fait bien ; Darwin's Game en compte de meilleurs qu'eux, c'est sûr. Naturellement, c'est difficile à estimer pour lui qui grimpe aux murs plutôt qu'aux étages et il ne l'aurait certainement jamais reconnue si elle ne s'était pas présentée sous la forme de cette course mortelle jusqu'au sommet. Alors, Talamasca se laisse mordre par le défi. Il ne fait pas cas du gaspillage de ses vies. Il inventerait très volontiers de nouvelles façons de les perdre le plus connement du monde. Or, et en l'état, cette étrangère – ennemie ? probablement – s'ingénie à le surprendre.

Évidemment qu'il accepte !

« Le meurtre de notre choix ? » Le sourire – pâle – qui s'étale sur les lèvres de Tala n'est pas carnassier. On dirait... de l'amusement, un peu candide, vaguement taquin. Cette légèrete obscène ne l'effleure pas. Une vie, ici, ce n'est qu'une vie. A Chicago, d'ailleurs, une vie, ce n'est qu'une vie aussi. C'est si fragile. Si inutile. Le plaisir de la risquer s'en trouve décuplé. Enfin, l'ATOM s'extirpe de la façade pour approcher suffisamment et lui tendre la main. « J'espère que t'es pas une ESHU... sinon je croirais jamais que tu vas pas essayer de tricher. » La bouche se fend d'un rictus plus profond. Poignée de mains bâclée en bons termes, il annonce qu'il est prêt. Par fair-play (probablement), il raconte ce qu'il sait des sept étages qui les attendent ; que la plupart sont dévastés à l'intérieur, qu'il faudra sûrement progresser à flanc d'immeuble, qu'il y a du vent, qu'elle est jolie. « Quoi ? il ricane en s'éloignant. Si ça peut te dissuader de me devancer et, donc, de m'obliger à te mater les fesses... » Tala pense qu'elle va le frapper – un coup sans violence – aussi s'extrait-il vers l'extérieur d'un bond.

Il est prêt. Il attend qu'elle le soit. Le vent, cet enfoiré sans conscience, les chavire à chaque bourrasque. Tala, les mains moites, regrette déjà des gants. Ses prises vont être lamentables et, le départ donné, il est en échec. Une rafale le cloue à la paroi tandis que ses mains cherchent les interstices qui voudront le maintenir debout. Il manque de tomber en pliant les genoux et, parce qu'une saine panique l'envahit à l'idée de basculer dans le vide (pire, de perdre), il doit inspirer plus profondément pour retrouver le contrôle de ses mains, et des tremblements qui les secouent.

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'DEATH MATCH ' :

Niveau originalité, je n'avais jamais fait mieux. Je ne savais pas trop si j'allais pouvoir. Ni même si c'était important en réalité, le résultat allait être identique au reste : une vie prise. Le comment allait changer, et ça me motivait encore plus que le reste. Il accepta. Bien. Je me contentais d'un hochement de tête avec un petit sourire pour lui faire savoir mon contentement. En même temps, s'il avait refusé, je l'aurais forcé. Une course poursuite au lieu d'une course. Je voulais grimper, je l'aurais fait peu importe son accord ou pas à mon idée. « Ouais. » dis-je. De notre choix. Devrais-je m'inquiéter ? Je ne savais pas du tout comment il tuait. Je ne le fis pas. Après tout, j'allais gagner. Penser positif qu'on disait. Puis bon, au pire, je ne me laisserais pas faire. Bah quoi ? Peu importe ce que j'avais dit, il ne fallait pas s'y fier. Je serais mauvaise perdante. Mauvaise foi ? Totalement.

Avait-il flairé mes intentions ? Ou bien il demandait ça à tout le monde ? « Non. J'suis une CAHO. » dis-je, sans sourciller; mentir c'était à peu près comme respirer pour moi. Je ne me rappelais pas l'avoir déjà vu dans une des réunions entre nos deux équipes, alors il ne devait pas en faire partie. Dire une des deux autres équipes était un poil trop suspicieux s'il ne m'avait jamais vu dans ces dernières. En espérant qu'il me croit et qu'il ne pense pas que je sois une ESHU qui se couvrait. Équipes alliées, ce n'était pas non plus l'idéal, sauf que je n'étais pas ce qu'il ne voulait pas de cette façon.

On se serra la main, il parla de l'état de l'immeuble, du vent (ce qui était très... gentil de sa part. J'aurais gardé ces informations) et de moi. « Si ça te déconcentre j'vais pas me gêner. » dis-je, sans le frapper, ni le prendre mal. Ça ne m'avait pas du tout déstabilisé, si cela était son but. Ce serait étrange qu'avec le métier que je faisais je veuille pas me faire regarder. Si en plus cela pouvait m'aider ici, je n'avais aucun problème avec ça. Il s'était éloigné, sûrement pour ne pas que je lui fasse savoir ce que je pensais de sa phrase, et je me mis aussi en position. Plus rien ne nous en empêchait. Je me mis à grimper, sans regarder où il était. Tout de suite, ça ne servait à rien. Il ventait, mais je réussis à me retenir sur le bord d'une fenêtre, m'aidant ensuite de cette dernière pour me faire monter un peu plus vite.

ASCENSION 5/10

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'DEATH MATCH ' :

Bien sûr, l'étrangère prend une avance considérable. Le vent n'a pas d'effet sur elle. C'est l'impression que ça lui fait lorsqu'il relève la tête et qu'elle gravit si souplement chaque mètre qui la sépare du sommet. Il n'a pas repris la totalité de ses esprits qu'elle a un étage d'avance sur lui. Cet échec le fait enrager, un feulement dans la gorge pour lui faire trembler les lèvres et secouer son orgueil. Il n'a pas l'intention de perdre, et il a encore moins l'intention de perdre aussi lamentablement. Alors Talamasca s'accroche fermement aux blocs qui veulent bien soutenir tout son poids et, à son tour, mètre après mètre, il grimpe vers le sommet qui décidera de sa mort ou de son meurtre. Il s'encourage : « Sacré cul ! » S'il s'esclaffe (s'il est seulement capable d'une telle distance vis-à-vis de la catastrophe de sa situation et de son échec mortel en devenir), les bourrasques couvrent ses éclats de rire. A la fin, il ne lui reste qu'un rictus. Il n'est pas satisfait. Il est déterminé.

« Tu, ne, vas... pas perdre. » A son tour, il franchit le premier pallier. Néanmoins, elle le surpasse toujours. Terriblement vexé, il veut échauffer ses muscles et forcer sa vélocité à combattre son endurance. Parvenir jusqu'au terme de son escalade ne lui sera d'aucune utilité s'il y parvient en second. Talamasca (ou plutôt Vincent) n'a certes aucune crainte de mourir dans le jeu. Mais la défaite... oh, comme cette petite catin fallacieuse lui déplait et l'attire si souvent. Il aimerait la défier, elle et cette inconnue qui, les prises toujours aussi fermes, poursuit son inexorable ascension. Cette fois, il grogne.

Il emploie des efforts constants. Sans jamais ralentir, il s'efforce de réduire l'écart. Peut-être que s'il obtient la moitié d'un retour par étage, alors il aura l'opportunité du sprint final. Déloyal, s'il le faut. Ça le fait légèrement grimacer, moins par fair-play que par incertitude. Foncièrement, il sait qu'il n'aura probablement pas cette chance. Alors il oublie, il s'oublie. Talamasca s'efforce de ne plus penser et, les bottes frappant la façade pour tester son appui, il pense au vide et à combien il n'aimera pas s'en faire un tombeau.

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'DEATH MATCH ' :

Le vent n'aide pas la montée, mais ça ne m'arrête pas. Je sens bien une résistance pourtant. Vouloir gagner ceci doit encore plus me motiver que pour le reste et me donner plus de force que j'en ai vraiment. J'y pense pas vraiment non plus, tant que j'avance, le pourquoi du comment m'importe peu. J'entendis, tant bien que mal, ce qu'il me dit. S'il pensait me faire perdre mon élan ou ma concentration, c'était raté. Cela m'encourageait surtout à continuer. « Je sais ! » criais-je à mon tour. J'étais même payée pour. Au moins, il aimait la vue, qu'il en profite en restant bien loin de moi. Je ne savais pas à quel point il l'était vraiment, était-ce important ? Je ne le pensais. Je risquais de l'entendre grimper, peut-être, ou encore, de le voir s'il se rapprochait. Je devais garder le focus sur ma montée et non pas sur la sienne. Cette pensée ne dura pas très longtemps. Malgré ce que je m'étais dit, je regardais derrière moi pour voir où il était rendu. Je devais savoir si accélérer était ce que je devrais faire. Non. J'avais encore de l'avance sur lui. J'allais garder la même vitesse ; autant que possible, mais pas ralentir pour essayer de lui laisser une chance. Il était capable de grimper ou pas ? Qu'il le fasse, je ne comptais pas l'aider. Au pire je l'avais surestimé. À moins qu'il n'ait joué que de malchance, mais je ne voyais pas trop en quoi ça me concernait. C'était tant mieux pour moi.

Sur ma route verticale, je croisais un bout de l'immeuble un peu plus large que les autres. Un défaut de construction ? Ou bien il y avait autre chose là (statue, gargouille...) qui était à présent tombé ? Je n'avais aucun moment de le savoir, mais après avoir vérifié sa solidité, je mis mes deux pieds dessus, ils passaient juste, me donnant une petite pause le temps de pouvoir visualiser le reste de mon chemin les jambes au repos. Je me remis en marche (enfin en escalade) quelques secondes plus tard.

ASCENSION 7/10

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'DEATH MATCH ' :

Des grognements pour imprimer les inflexions de sa respiration et les battements de son cœur, Talamasca se console avec le paysage étendu dans son dos. Il ne peut pas le voir, et scruter ses détails chaotiques – il n'a pas le temps et s'écarter de la paroi serait d'un péril stupide. De mémoire, cependant, il sait reconstituer le vent qui file entre les buildings défoncés et les rues jonchés de gravats. Il aime cette ville, et peu importe qu'elle n'existe pas. Elle le porte.

Il ne peut pas gagner. Ses prises sont sûres et sa progression est égale à toutes ses autres tentatives. Elle est seulement meilleure que lui. Elle escalade avec plus de souplesse et de vélocité et chaque regard qu'il tente pour les sommets lui confirme qu'il n'a aucune chance. Ni de la rattraper ni de la battre. Il poursuit tout de même ses efforts, trop conscient de la vanité de son exercice et ses pieds vacillent à mesure qu'il se rapproche non plus de la victoire mais de la mort. Un long moment, il s'interroge sur l'opportunité de rebrousser chemin ou, tout du moins, de s'engouffrer dans les restes de l'étage et de se mettre à l'abri d'elle et de la menace qu'ils ont parié l'un contre l'autre. Ça ferait de lui un lâche, et un tricheur. C'est un lâche et un tricheur. Alors il s'interrompt. Les bourrasques de ses omoplates à ses reins pour le maintenir contre le béton et les vitres explosées, Talamasca soupire bruyamment. Est-ce qu'il est devenu si con qu'il va continuer de grimper ? Est-ce qu'il a vraiment perdu tout son respect de la vie au point de s'acharner à escalader sa propre exécution ? Ses billes se lèvent encore.

Oh oui. Il est complètement con. Oh non. Il n'a aucun respect de sa propre vie. Il resserre les phalanges autour des blocs à trente centimètres au-dessus de sa tête, et il persiste.

ASCENSION 0/10

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'DEATH MATCH ' :

Le sommet est de plus en plus près, je ne sens aucune présence derrière moi. C'est plutôt bon signe. Quelque chose me dit que je vais gagner, ce qui n'est pas pour me déplaire (en même temps, qui n'était pas content de gagner ? Pas moi en tout cas). Je ne devrais pas me montrer aussi enthousiaste, n'importe quoi pouvait arriver, c'était un immeuble inconnu dans un environnement pas du tout sécuritaire. Je devrais attendre d'être rendue en haut pour ça. Là, je devrais porter attention à ce qui me restait à grimper. Surtout si je voulais m'y rendre sans problème. Penser à autre chose qu'à ce que je faisais et devais faire n'allait pas m'aider du tout. Une chose à la fois. Je tentais un autre regard en bas de moi, question de m'assurer que je pouvais continuer à ce rythme. Il est plus bas, il donne l'impression de ne pas avoir avancé, ou à peine. Je ne sais pas si c'est la réalité ou bien une hallucination parce que je ne regarde pas tout droit. Il est loin, c'est tout ce qui compte. Je n'en profite toujours pas pour souffler. Levant la tête cette fois-ci, il doit me rester deux étages et demi. Le plus long est fait, le plus dur ? D'ici, le reste ne semble pas être plus compliqué que le reste. Je me demande vraiment comment il a fait pour monter aussi lentement, il me semblait être plus doué pour l'escalade libre en le voyant faire. Peut-être qu'il n'aime pas la pression. Je m'arrêtais un moment, me tassant bien contre le mur le temps qu'une bourrasque se calme, me remettant ensuite en mouvement. Je voulais aller le plus vite possible, mais je ne voulais pas tomber non plus. Plus que deux étages. Je commençais à avoir mal dans les bras, habituellement, même en montant aussi haut, je prenais quelques poses. J'étais plus résistante que je ne le pensais.

ASCENSION 9/10

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'DEATH MATCH ' :

Savoir qu'il va mourir devrait ralentir son ardeur à grimper. C'est égal à toutes les autres fois, y compris lorsqu'il court dans la forêt, s'évanouit dans les ruines de la ville, ou piétine la frontière entre ces deux mondes. Ridiculement vulnérable, certes pas pourvu d'aptitudes innées par la Nature, Talamasca esquinte une personnalité stupide et un instinct mortifère. Manifestement, il abuse de son espérance de vie et, Mera a raison, il la gaspille dans des défis, des meurtres et des suicides qui précipitent toujours davantage l'inexorable fin – la vraie, la définitive. Et c'est tant pis. Vincent, à travers son masque d'ATOM, devrait réaliser avec stupeur qu'il ne tient à rien et que rien ne le retient. Il devrait craindre le vide, la défaite et, surtout, il devrait craindre la mort. Or, ça ne lui fait rien. Ça l'effleure, et c'est tout. Là-haut, elle le laissera peut-être se hisser sur les genoux et rester là. Elle appliquera le canon du flingue en plein milieu de son front. Elle aura peut-être l'ombre d'un sourire. C'est un jeu. Et la balle, cette traînée sans morale, le projettera dans le vide. Il mettra plusieurs dizaines de mètres à mourir. Pourquoi pas, soupire son être. Et le vent a les mêmes arguments. Et un regard par-dessus son épaule, et toute sa carcasse, répète le même refrain. Il sait qu'il abandonne. Alors ses muscles, ses articulations, et ses prises s'exécutent. Il lâche. Il est lâche. Et son torse s'est à peine détaché de la paroi, et ses pieds ont tout juste basculé dans le vide, qu'un souffle, entier, violent et furieux le force à tétaniser toute son énergie et à le rattraper. Il se ramasse sur un rebord pas plus large que ses paumes côte à côte et, l'air expiré par ses poumons, ses semelles grattent sur le mur en-dessous de lui sans trouver un endroit où pousser. A force, ses membres s'épuisent et les bras, jadis pliés, se détendent et répartissent le poids de son cadavre. Il inspire. Il inspire pour hurler à l'aide.

ASCENSION 0/10

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'DEATH MATCH ' :

Un arrêt de quelques secondes, le temps que le vent se calme une nouvelle fois. Il n'avait pas été de notre côté celui-ci, mais cela m'avait moins affecté pour je ne sais trop quelle raison. Je ne voulais pas le savoir. Ça ne changerait rien de toute façon à où j'étais. J'entendis hurler et je m'arrêtais, regardant. Il n'était pas dans une très bonne position, mais c'est tant mieux pour moi. Cela a été moins palpitant que je ne le pensais. Ça n'a même pas être une vraie course. Je n'allais pas me plaindre non plus, j'avais gagné le fait d'être plus rapide ; mon égo n'était jamais assez gros et il se portait toujours très bien. Est-ce que cela était une victoire pour mon équipe ? À mon sens, oui. Je l'avais défié, il avait accepté, et il s'était planté comme un débutant. Au pire, si ça ne comptait pas, je n'avais perdu de vie et il allait en perdre une bientôt ; à moins qu'il arrive à remonter. J'étais presque arrivée, plus que quelques mètres. Je n'allais pas m'arrêter en si bon chemin. Je n'allais pas redescendre car il était certain que j'allais gagner.

Ou pas. Ce fut l'impression que j'eus durant une seconde qui m'apparut comme être interminable. Un des bouts de métal qui dépassait de l'immeuble n'était pas aussi solide que je ne le pensais après l'avoir testé. Il craqua lorsque je mis une nouvelle fois mon poids sur ce dernier, me faisant perdre mon appui ainsi que mon équilibre. Je perdis pied, mais le retrouva rapidement grâce au bord de la fenêtre qui, heureusement, n'avait pas bougé. J'allais devoir trouver un autre moyen de continuer à grimper, c'était le seul point où je pouvais passer ; plus grande il y aurait eu autre chose mais je comptais pas me mettre à sauter à cette hauteur.

ASCENSION 7/10

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'DEATH MATCH ' :

Les sons se bloquent dans sa gorge. Elle ne va pas descendre, lui tendre la main et le hisser contre la paroi. Hurler ne lui sera d'aucun secours, et sa bouche claque et se ferme malgré lui. Ferme ta gueule, Tala. Ça ne sert à rien. Ces deux abrutis, inconscients du danger, n'ont même pas cette solidarité-là. Ça règlerait la question, tout au plus. L'étrangère n'aurait qu'à se congratuler, une grimace satisfaite sur les lippes et les mains frottées l'une sur l'autre. Elle s'élève pendant qu'il chute et, les muscles bandés, contractés aussi souplement que s'il ne voulait pas chuter comme une pierre, Talamasca tire péniblement sur des bras qui s'endolorissent et sont de moins en moins sensibles. Il nourrit l'impression qu'il va bientôt lâcher, que les sensations lui désertent les paumes. Au contraire, ça anéantit la douleur et ça focalise son esprit.

Il sait escalader. Vincent sait escalader, alors Talamasca aussi. Il lui faut seulement une astuce, un plan d'évasion, de secours, comme il en construit cent dans les rues-épaves de Chicago. Soudain, à hauteur du regard, un chemin dérobé se dessine. Ce n'est pas si net qu'un passage, qu'un escalier ou qu'une cage d'ascenseur. C'est l'habitude, et l'éclat génial d'une idée. Conscient qu'il ne sera pas facile de se faufiler, conscient que ce serait incroyablement dangereux, le béton s'effrite sous ses paumes moites et serrées. Sois pas con, Tala. T'es déjà mort. Toujours au bord du gouffre, il ramasse son courage. Il n'est capable que de cela, et ça soulève toujours la protestation d'un corps qui n'aime pas trop qu'on le repousse ses limites et qu'on lui trouve toujours de la ressource. Néanmoins, c'est le cas. Il grimpe sur le rebord et, plutôt que de repartir à l'assaut du sommet, il se déporte dans la zébrure qui fend les blocs de la paroi. On y passe les deux rangées de phalanges, collées dos à dos et, plus il pousse vers l'extérieur, puis il peut se maintenir. C'est totalement taré...

Et il est totalement taré.

Lorsqu'on lui demandera comment il a fait, l'ATOM se souviendra qu'il n'en a aucune putain d'idée. En vérité, lorsqu'il parvient au toit, lorsque son genou dérape dans les éclats, les graviers et les morceaux d'acier, il est si terriblement épuisé qu'il a l'impression qu'il va mourir. Et ce n'est pas tout : il a encore à la chercher du regard. Il s'attend au flingue qui va remercier son effort surhumain. Il s'attend à la sanction immédiate. Alors, c'est proportionnel, bien sûr : il panique. Où est son arme ? Et où est-ce qu'elle est, elle ? Talamasca fouille sa poche, mais le chien bloque son extraction. Vite. Avant qu'elle n'arrive. Si elle arrive seulement... Il ne parvient pas tout à fait à croire qu'il y est. Alors il se campe fermement sur des jambes trop tremblantes et il tend le bras, bien devant lui. Et, maintenant, il patiente que le crâne émerge. Il patiente jusqu'à sa victoire. Son exceptionnelle, totalement folle, improbable, impossible, et jouissive victoire.

ASCENSION 10/10

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'DEATH MATCH ' :

Pas de trampoline ou de filet sous moi, sauter n'était pas du tout indiqué aussi haut. Je devais donc retrouver une manière de poursuivre, je réussis à trouver. Heureusement que le bâtiment était assez large et offrait plusieurs possibilités. Ma trajectoire ayant changé avec mon précédent accident, je ne voyais plus mon adversaire. Je ne savais pas s'il est tombé ou bien s'il était resté au même endroit. Je m'en fichais, mais le savoir ferait du bien. Savoir si cela m'avait ralenti ou pas. J'avais dû redescendre pour trouver un nouvel endroit où grimper afin de continuer ma montée. Deux ou trois minutes, maximum, que cela m'avait pris. Il était en mauvaise posture la dernière fois que je l'avais vu, il n'avait pas pu s'en tirer si facilement, non ? J'étais presque en haut, j'allais le découvrir assez vite. Aucun autre problème ne vint me déranger. Cela aurait pu être le premier de plein d'autres, mais cela n'avait pas été le cas. Me donnant un dernier élan pour arriver sur le toit, je vis des souliers qui ne devraient pas être là. Je n'avais pas été assez vite. Il avait été chanceux. Comment savoir ? Peu importe, si je ne voulais pas mourir (peu importe ce que j'avais dit), je devais réagir.

Espérant qu'il n'ait pas eu le temps de me voir, je retournais sur mon dernier support, pris ma batte d'une main l'enlevant de la courroie qui la retenait dans mon dos, remontant ensuite d'une main (ce qui était plus difficile que précédemment, me supportant d'un seul côté). Ma batte était droite dans les airs, je comptais essayer de lui faire mal d'une manière ou d'une autre pour me laisser une chance. Elle atterrit sur son arme qui me donna ensuite l'impression d'arriver sur son nez. Les deux pieds sur le toit, je comptais continuer de le frapper. Mon idée à la base était de le jeter du toit question de le voir planer un peu et de faire un meurtre un peu plus original, mais comme je n'avais pas gagné, j'allais faire comme je pouvais.

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'DEATH MATCH ' :

L'idée le prend de rengainer. Ça ne lui ressemble pas, d'abattre quelqu'un à bout portant. A la réflexion, ça lui ressemble assez : c'est encore le meilleur moyen de ne pas rater lamentablement sa victime. Mais ça ne lui ressemble pas, d'attendre comme un foutu prédateur. Comme un CAHO. Comme Eivind. Et elle est avec lui, a-t-elle menti. Un sourire mauvais barre la bouche de Talamasca, qui serre mieux la crosse. Rien à foutre. Elle l'a bien cherché, après tout, et il était presque mort. Il a mérité cette victoire, et ce meurtre sera sa récompense. Alors inutile que sa main tremble autant. L'ATOM arrache le bandeau à son front, s'essuie et le fourre dans sa poche. Elle le tuerait, elle. Si les rôles étaient échangés, elle le tuerait.

Alors il devrait s'attendre à ça. La batte balaie le pistolet, et le poignet avec. Talamasca ravale les injures qu'une soudaine brulûre dans le nez l'empêche de prononcer. Il pisse littéralement le sang et il faut que la rivière carmin lui descende entre les lèvres pour qu'il commence à s'offusquer. « Mais t'es mauvaise perdante... » Un sifflement indistinct lui fait savoir que la cloison est intacte et que le crâne entier a tout encaissé. Ça lui laisse le temps de réfléchir, la poignée de secondes nécessaires. Le flingue est hors de portée et le bois que son adversaire dresse encore dans les airs annonce qu'elle ne va pas admettre sa défaite. Alors il fait la seule chose possible : Talamasca se jette sur la batte qu'elle abat contre lui. Ses poignets prennent toute l'amplitude et tout le choc et la course s'interrompt dans un craquement. Il tire dessus, et il insiste, et, lorsqu'il comprend qu'elle ne lâchera pas, quand la débâcle devient absurde et même interminable, l'ATOM pousse de toutes ses forces. La batte, la fille... tout quitte le toit et se précipite dans le vide. Un réflexe humain le fait tendre la main. La silhouette a déjà disparu. Une seconde, il hésite. Approcher du bord ? Ça ne lui ressemble pas.

Finalement, il s'assoit et s'accorde du temps pour respirer. Il n'est pas mort et, surtout, il a gagné. Ça mérite de profiter de la vue, de tout Darwin's Harbor qui le contemple en sang et en succès.